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NOUVELLE MISE A JOUR LE 15 avril 2014

vendredi 22 janvier 2010

l’Artillerie de la 18e Division


LA DEFENSE DE NANCY
DEFENSE DU GRAND-COURONNÉ – CONTRE-OFFENSIVE
COMBAT D’ERBEVILLER - PREMIERS TROPHEES

Le 11 août, le 9e Corps entame son mouvement vers le Nord. La 18e Division (général Lefèvre) traverse Nancy et y reçoit un accueil inoubliable. A nos hommes sont jetés à profusion cigares, cigarettes et paquets de tabac, tandis que courent le long des colonnes avec des seaux pleins de bière ou de vin blanc des femmes et des enfants que les canonniers remercient les larmes aux yeux.
L’étape du lendemain amène le régiment au pied de cette forte position militaire qui constitue la défense naturelle de Nancy et porte le nom de Grand-Couronné. Des canons de 75 sont déjà accrochés à ses pentes et l'on suit dans l'air les petits flocons blancs dont ils poursuivent un aéroplane marqué de croix noires. Cependant, les reconnaissances parcourent les crêtes du Mont-Saint-Jean et du Mont-Toulon. A leur tour, les batteries gravissent les pentes abruptes et s'installent un peu en arrière de la crête.
Vraiment, sans cet oiseau sinistre et les fusants qui l’ont salué, on pourrait se croire aux grandes manœuvres.
Des hauteurs que couronnent les batteries, la vue s'étend sur la jolie vallée de la Seille dont les eaux serpentant au milieu des riantes prairies, brillent par endroit au soleil resplendissant de cette chaude journée d'été. Mais, c'est au-delà que le regard se fixe. Au-delà, c'est la côte de Delme qui semble jeté un défi au Grand Couronné. Au-delà, c'est la terre de Lorraine arrachée il y a quarante quatre ans et sur laquelle chacun est impatient de mettre le pied.
Jusqu'au milieu d'août, le 33e monte la garde sur ses positions, les officiers et les hommes couchent près des canons, les avants-trains bivouaquent à mi-côte en arrière des pièces. A part quelques alertes causées la nuit par une sentinelle hallucinée qui a pris la lune pour un zeppelin, le jour, par des fusillades déclenchées sur un aéroplane, les journées se passent dans un calme que seul rend pénible l'impatience de connaître l'avenir et de combattre.
Bientôt, les projets de l'ennemi s'éclairent. C'est par la Belgique qu'il compte envahir le territoire. Le 9e corps tout entier est appelé dans le nord. Le 33e a quitté le Grand Couronné pour se rapprocher des gares d'embarquement lorsque de ses cantonnements, il entend une canonnade furieuse dans la région qu'il vient de quitter. L'ennemi a pris l'offensive. Débouchant des routes de Château-Salins et ayant réussi à franchir la Seille sur une partie de son cours, il menace Nancy.
La 18e division est rappelée dans la région du Grand-Couronné, mais le 33e ne peut l'accompagner qu'avec le 1er et 2e Groupe, le 3e Groupe ayant déjà été embarqué pour la région de Sedan avec la 17e Division.
Cette marche au canon de nuit est longue et pénible. Au petit jour, la colonne croise le triste cortège des émigrants de Nomény. Ils fuient leur village en flammes après avoir assisté au pillage de leurs maisons, au massacre de parents et d’amis, et ces scènes atroces ont mis sur le visage des femmes et des enfants comme un reflet d'horreur. Notre fatigue s'efface devant la misère de ces pauvres gens et nous ne pensons plus qu'à les venger. Avant midi, nous mettons en batterie sur des emplacements voisins de ceux occupés quelques jours auparavant. Le capitaine Gibaud, de son observatoire aperçoit une colonne ennemie, il ouvre sur elle un feu bien ajusté et la disperse. A la 6e batterie ne tardent pas à répondre les obusiers allemands. On entend dans un lointain, inaccessible hélas !, à notre 75, une détonation étouffée, puis un sifflement, léger : il se rapproche, il grandit, on sent venir sur soi un bolide et le sol est secoué d'une formidable explosion.
Les détonations se succèdent à intervalles de plus en plus courts. Sur les pentes des monts, des colonnes de fumée s'élèvent des points de chute et toute la vallée résonne de bruits d'avalanche que l'écho prolonge. Sous ce bombardement impressionnant, nos artilleurs reçoivent le baptême du feu avec un superbe calme. La 3e Batterie qui encaisse vigoureusement déplace son matériel à bras pour l'éloigner d'un caisson qui flambe. Le brave canonnier Lucas est tué glorieusement et la batterie compte 13 blessés dont le lieutenant Sivieude.
A la 5e Batterie, c'est l'échelon qui est pris à parti. Un seul obus y blesse 5 hommes et met 40 chevaux à terre. C'est un effroyable charnier. Au milieu de l'émoi du premier moment, le canonnier Huchon aperçoit un avant-train qui prend feu et tranquillement l'éteint au risque de sauter avec lui.
Cependant, l'effort principal de l'ennemi s'est porté plus au sud et les Allemands, débouchant de la forêt de Bezange, eu direction du plateau d'Amance, menacent de déborder le Grand Couronné par le sud. Relevés le 23 août, les 1er et 2e groupes sont poussés dans la région de La Neuvelotte, en arrière de la forêt de Champenoux, dernier obstacle que rencontre l'ennemi dans sa poussée sur Nancy et au-delà duquel il faut coûte que coûte l'arrêter. Ils constituent l'artillerie du groupement Janin formé par le 32e et 66e R.I. et sont commandés par le Commandant Lafont, chef aimé et admiré, d'une ardeur communicative et d'un moral réconfortant.
La situation exige une contre-attaque énergique pour dégager Nancy. Dans la nuit du 24 au 25, la brigade Janin reçoit ses objectifs : le village d'Erbéviller, le bois Morel, direction de Moncel. Erbéviller est niché au fond d'un vallon, dans une clairière entre le bois Morel et la forêt de Champenoux et n'est visible que des lisières de cette forêt. C'est là que le Colonel Lafont et le commandant Gérard font choix d'une position pour un groupe. Le défilement est faible, l'accès difficile, mais la mission est impérieuse.
En effet, le 32e Régiment, emporté par son ardeur, s'est lancé à l'assaut d'Erbeviller; couché par un terrible feu de mitrailleuses, il est pris à parti par un groupe de 77 installé à la corne du bois Morel. La situation est des plus critiques, déjà des baïonnettes brillent aux lisières du Bois Morel d'où une contre-attaque, préparée par ce feu intense, s'apprête à jaillir.
Les batteries du 1er Groupe arrivent enfin, 2 sont mises en batterie ; la première est maintenue en réserve mais le capitaine Ladrange ne veut pas être en réserve et il se porte sous le feu près de ses camarades pour partager tout au moins leurs dangers.
« A la 3e Batterie, le groupe ennemi ; à la 2e, les colonnes qui commencent à déboucher du Bois Morel ». Du commandant Gérard, les capitaines Boudet (Auguste) et de Saint-Paul reçoivent ainsi leurs objectifs et sous les schrapnells dont les balles cinglent les boucliers des canons, on met en batterie, on pointe, on ouvre le feu.
Les mouvements du 1er Groupe ont été vus et les 77 ont la partie belle, mais ils ne vont pas tarder à apprendre ce que c'est qu'une batterie de 75 bien commandée. Du haut de son échelle observatoire, le capitaine Boudet découvre un caisson que les Allemands ont poussé imprudemment sur la crête et règle sur lui. Après un premier tir d'efficacité, un précieux renseignement lui est envoyé par un officier d'infanterie qui a pu observer l'arrivée des renforts aux batteries allemandes. « Le groupe ennemi se ravitaille en personnel », donc, il encaisse, donc la hausse est bonne. Alors, l'allure du tir est portée à maximum, c'est un ouragan qui se déchaîne sur la crête et au milieu de la fumée qui s'y accumule, une rouge explosion indique de temps à autre qu'un caisson saute. Les 77 sont muselés définitivement.
La 2e Batterie de son côté ne perd pas son temps, elle fauche des lignes entières de feldgrau qui débouchent du Bois Morel et le capitaine de Saint-Paul n'oublie pas les réserves qui doivent s'abriter dans le bois.
Le 1er Groupe a bien fait les choses ; l'élan ennemi est définitivement rompu, mais c'est un succès coûteux. Le sous-lieutenant Gauthier est tombé héroïquement et dix-huit hommes sont blessés ; quant à l'infanterie, ses pertes sont telles qu'il faut songer à la retraite. On se replie donc sous la protection des feux du 2e Groupe mais pas pour longtemps.
Le lendemain matin on reprend la marche en avant par Champenoux et les batteries s'installent sur le terrain du combat de la veille. Le matériel laissé par l'ennemi est considérable ; 7 canons complètement équipés, des caissons remplis d'approvisionnements de toutes sortes, jumelles à ciseaux, télémètres de précision, jumelles, téléphones perfectionnés et des kilomètres de fil.
Les batteries se partagent ces précieux instruments qui sont utilisés immédiatement contre leurs anciens propriétaires. Une ligne téléphonique de 2 kilomètres est tendue des positions de batterie à la corne du bois Morel, d'où l'on domine Sorneville où patrouillent des uhlans, la ferme de Bosebois où des centaines de Landwehriens travaillent en manche de chemise. A la grande joie de nos fantassins, la 4e Batterie, commandée par le capitaine Boudet (Joseph), par un tir bien ajusté jette le trouble et la mort parmi des ennemis qui se croyaient à l'abri de toute atteinte. Quant aux 7 canons, il revient à la 3e batterie de les ramener à Nancy où ils provoquent un indescriptible enthousiasme. Ils sont rangés sur la place Stanislas et Nancy ne les a pas oubliés quant au début de septembre, sa mission terminée en lorraine, le 33e chargé de trophées fait route vers les quais de Barisey-la-Côte. Il est l'objet d'ovations où s'expriment l'admiration et la reconnaissance de la belle et généreuse cité que le 33e a contribué à couvrir et à sauver.


Source : Historique de l’Artillerie de la 18e Division, LIBRAIRIE SAINTE-CROIX, ANGERS
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